Note: This op-ed originally appeared in The Daily Beast and was written by Enough Project Founding Director John Prendergast.
KYANGWALI REFUGEE CAMP, Uganda—“What I left behind is so precious, so much more important than what I am left with here,” said the 37-year-old Congolese refugee we’ll call Edward. “When I arrived in the refugee camp, I fell to the ground in grief, traumatized by all that I had lost.”
Edward was a businessman who sold clothing before large-scale violence returned to the Ituri Province of the Democratic Republic of the Congo. Over the last several months, well over 400,000 people from Ituri have been driven from their homes, the bulk of them ending up in refugee camps in neighboring Uganda, bereft of everything but the clothes on their backs. They join the 4.8 million people already displaced by Congo’s waves of violence, the second highest total in the world after Syria.
“A year ago we heard rumors that [Congolese President Joseph] Kabila wanted to create violence to delay elections,” Edward told me. “The day before Christmas of this past year, two of my relatives were murdered. Then the killings accelerated. The militias would come and seal off a village, then go house to house with machetes. Very few people escaped. Eventually they would burn the village. At one point, there were so many bodies you could hardly walk.”
Edward said that Congolese soldiers who tried to intervene to protect villagers were themselves “chopped up” by the militias. Edward said he witnessed a woman in a nearby village being pursued by a militia. She ran and physically clung to a nearby policeman, but the militia “pulled her away and chopped her up.” When Edward was told by a Congolese soldier that he and his fellow soldiers were given instructions not to intervene, “My first thought was that Kabila had sold us out. I felt we had to run for our lives. We were so traumatized, we could not fight back. What we have known most of our lives is war.”
So Edward and 20 of his neighbors put their money together to hire a boat to escape. The price of a ride across Lake Albert to Uganda had doubled due to the heavy demand of those wanting to flee, which meant that many spent all the money they had just to get away. “I witnessed one boat with seven people which capsized. They all drowned.”
Nearly every refugee we have met in Uganda laid the responsibility for the violence at the feet of President Kabila and his strategy of chaos which could provide the pretext for an indefinite delay in elections that were originally scheduled for 2016 but have been postponed repeatedly. Constitutionally, Kabila is mandated to hand over power to his elected successor…
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Congo : une politique de pillages et de massacres
Note : Cette tribune a été initialement publiée par The Daily Beast et a été écrite par le directeur et fondateur de The Enough Project et cofondateur de The Sentry, John Prendergast.
Camp de réfugiés de Kyangwali, Ouganda : « Ce que j’ai laissé derrière moi m’était si cher. Bien plus que ce qu’il me reste ici ». Ce sont les paroles d’Édouard (son vrai nom restera confidentiel), un réfugié congolais de 37 ans. « À mon arrivée au camp, je me suis effondré. J’étais en deuil, sous le choc après avoir tant perdu ». Avant que les violences généralisées ne fassent leur retour dans la province de l’Ituri, en République démocratique du Congo (dénommée ci-après « Congo »), Édouard faisait affaire dans le secteur de l’habillement. Au cours de ces derniers mois, 400 000 habitants de la province ont été contraints de quitter leurs foyers. La plupart d’entre eux, après avoir tout perdu à l’exception des vêtements sur leur dos, se sont retrouvés dans les camps de réfugiés du pays voisin, l’Ouganda. Ils sont venus grossir les rangs des 4,8 millions de personnes déplacées par les vagues successives de violence qui ont frappé le Congo. Après la Syrie, le Congo est désormais le pays qui compte le plus grand nombre de déplacés.
« Il y a un an, nous avons entendu des rumeurs selon lesquelles Kabila [Joseph Kabila, le président congolais] comptait faire reculer la date des élections en faisant éclater des violences, m’a dit Édouard. L’année dernière, la veille de Noël, deux membres de ma famille se sont fait tuer. Puis les meurtres se sont multipliés. Les miliciens arrivaient dans les villages, les encerclaient, puis, armés de machettes, ils allaient dans toutes les maisons l’une après l’autre. Très peu de gens ont pu s’échapper. Pour finir, ils brûlaient les villages. À un moment, les corps étaient si nombreux que l’on pouvait à peine marcher. »
D’après Édouard, les soldats congolais qui tentaient de s’interposer pour protéger les villageois se faisaient « tailler en pièces » par la milice. Il se souvient d’une femme d’un village voisin qui était poursuivie par un milicien. Elle s’était élancée vers un policier et agrippée à lui, mais son poursuivant l’avait « arrachée et taillée en pièces ». Un soldat congolais a expliqué à Édouard que l’armée avait reçu pour ordre de ne pas intervenir. « J’ai tout de suite pensé que Kabila nous avait trahis, et qu’il nous fallait fuir ou mourir. Nous étions trop traumatisés pour nous défendre. On a connu la guerre presque toute notre vie. »
Édouard et 20 de ses voisins ont donc décidé de se cotiser pour traverser le lac Albert et fuir vers l’Ouganda. Suite à la hausse de la demande, portée par toutes les personnes cherchant à fuir le massacre, le prix de la traversée a doublé. Bon nombre y ont dépensé toutes leurs économies. « J’ai vu se renverser un bateau avec sept personnes à bord. Elles se sont toutes noyées. »
Chacun des réfugiés que nous avons rencontrés en Ouganda, ou presque, tient le président Kabila pour responsable des violences. Pour eux, sa tactique est de semer le chaos afin de faire différer indéfiniment les élections, qui ont déjà fait l’objet de plusieurs reports alors qu’elles étaient prévues pour 2016. La Constitution oblige Joseph Kabila à céder le pouvoir au prochain président élu. Parmi les personnes rencontrées, aucune n’impute les atrocités commises dans la province de l’Ituri, riche en or et en pétrole, à de quelconques tensions interethniques ou « intertribales ». C’est pourtant la raison qui est souvent invoquée par la plupart des médias internationaux et des comptes-rendus diplomatiques. De semblables éruptions de violence, dont on dit le gouvernement complice, ont eu lieu l’année dernière, notamment au Kasaï, région centrale, et dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, dans l’est du pays. « Ce n’est pas le conflit entre les Hema et les Lendu que j’ai fui », m’a dit un autre réfugié, faisant référence aux deux grands groupes ethniques de l’Ituri dont sont originaires les réfugiés. « J’ai fui le conflit causé par le gouvernement. »
Pour les chefs d’État congolais qui se sont succédé, et le roi des Belges Léopold II avant eux, l’extrême violence a constitué un élément stratégique prépondérant pour asseoir le pouvoir à tout prix. Joseph Kabila et une poignée des membres de sa famille proche, de ses hauts responsables politiques et militaires, ainsi que leurs alliés commerciaux étrangers, se sont emparés des institutions gouvernementales afin d’accaparer les richesses naturelles dont le pays regorge. Loin d’assurer la sécurité de ses citoyens, la prestation des services publics et de rendre la justice, l’État sert aujourd’hui à privatiser les richesses extraordinaires du Congo et à les concentrer entre les mains du chef de l’État et de son cercle de bénéficiaires. L’armée et la police préservent cet ordre établi en cultivant les violences et faisant taire les voix dissidentes. Elles suivent une stratégie classique : diviser pour mieux régner. Afin d’asseoir sa fortune et son immunité judiciaire, Joseph Kabila entend faire durer son mandat autant qu’il le pourra, voire obtenir un mandat à vie, à l’image des plus retors de ses voisins d’Afrique centrale.
Dans ce jeu qui voit l’État de droit mis à mal et le butin revenir aux mains les mieux armées, il y a des gagnants et des perdants. Les perdants sont la grande majorité des Congolais. D’après l’ONU, 77 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, et ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre des camps de déplacés ou de réfugiés comme celui duquel j’écris. Les gagnants incluent bien évidemment le président Kabila et ses alliés commerciaux, politiques, militaires et paramilitaires. Mais c’est à l’extérieur du Congo que le crime profite le plus, dans ses pays frontaliers et parmi ses partenaires commerciaux.
À l’échelle de la région, les acteurs commerciaux et les responsables politiques du Rwanda et de l’Ouganda bénéficient encore énormément de la contrebande de minéraux, en particulier l’or, et se disputent les fruits du pillage du Congo et de ses ressources naturelles. Au cours du quart de siècle écoulé, ces deux pays ont pris l’habitude sordide d’intervenir militairement ou de faire appel à des milices dans l’est du Congo, riche en minéraux. Ces 20 dernières années, d’autres pays tels que le Zimbabwe, le Burundi et l’Angola ont eux aussi tiré profit de la souveraineté vacillante du Congo. À l’échelle internationale, de très nombreux financiers, compagnies minières, banques et contrebandiers ont généré des bénéfices spectaculaires en exploitant la misère du Congo. Comme pour illustrer ce propos, lors d’une pause déjeuner en terrasse sur les berges du lac Victoria, avant de me rendre dans le camp de réfugiés, j’ai entendu par hasard un groupe d’hommes d’affaires étrangers d’origines diverses discuter de leur plan pour soustraire leurs investissements à la réglementation en vigueur dans le secteur minier.
En réponse à la mort, au déplacement et à la destruction qui sévissent au Congo, dont on connaît peu d’équivalents depuis la Seconde Guerre mondiale, la communauté internationale a dépensé des milliards de dollars en aide d’urgence, et déployé la plus vaste et la plus coûteuse opération de maintien de la paix dirigée par l’ONU. Ces mesures humanitaires ne sont que de faibles barrières face aux assauts violents portés aux droits fondamentaux et aux règles de bonne gouvernance. Il est temps de voir plus loin que les symptômes. Il nous faut nous attaquer aux causes profondes de cette crise qui n’a de cesse de s’aggraver.
Après maints reports, les élections de décembre prochain constituent un tournant décisif pour le Congo. Si elles sont truquées, ou si Joseph Kabila devait finalement rester au pouvoir, les violences et l’instabilité de la région en seront décuplées, et la kleptocratie s’en trouvera renforcée. Des signes avant-coureurs font déjà leur apparition : des affiches et vidéos à la gloire de Joseph Kabila sont apparues dans tout le pays, et le gouvernement interdit aux partis et aux manifestants de se réunir. En revanche, des élections crédibles donnant lieu à une transition constitueraient la première étape d’un parcours long et difficile vers un gouvernement congolais transparent et responsable, pierre angulaire pour construire la paix et assurer les droits fondamentaux.
Le soutien à ce changement de système représente sans doute le plus grand défi à relever sur le continent africain aujourd’hui, bien loin de la volonté de changement de régime dont le gouvernement Kabila accuse souvent ses adversaires. Plusieurs éléments stratégiques, à la fois internes et externes, pourraient précipiter la chute de ce régime violent et kleptocrate.
À l’intérieur du pays, les efforts de réforme menés par la société civile, les médias, la justice et le parlement sont essentiels. En vue d’un réel changement systémique, il est primordial, entre autres efforts, de dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux, de combattre la corruption en exigeant une complète transparence de l’industrie minière, de militer pour que la justice soit saisie contre les responsables de ces atrocités, de réclamer l’égalité des chances pour les femmes et les jeunes, de défendre les services sociaux ainsi qu’une réforme de l’armée, et de résoudre les différends avant que la violence n’éclate.
À l’échelle internationale, les gouvernements du monde entier doivent faire pression sur le réseau kleptocrate de Joseph Kabila, qui mettra tout en œuvre pour faire échouer toute réforme ou tout changement majeur. Dès à présent, la communauté internationale doit utiliser les outils de pression financière à sa disposition, avant la période critique d’enregistrement des candidatures, du 23 juin au 8 août. L’éventualité de la candidature de Joseph Kabila serait à la fois inconstitutionnelle et désastreuse. Il deviendrait alors bien plus difficile pour la communauté internationale d’intervenir, et pour le Congo d’entamer une transition crédible et démocratique. Il est impératif de punir ceux qui, à l’échelle régionale et internationale, profitent de l’exploitation des ressources naturelles du pays, et dont les pratiques commerciales soutiennent les responsables de ces violences abjectes. Il est également nécessaire de mettre en place des sanctions préventives qui feront clairement savoir à Joseph Kabila que sa candidature est inacceptable, et l’empêcheront de prendre une décision électorale désastreuse.
Afin de couper court aux motivations financières qui se cachent derrière les massacres et permettre une réelle transition démocratique, la communauté internationale doit frapper fort, en appliquant par exemple des sanctions financières ciblées à certains membres du réseau. Il faut punir non seulement ceux qui s’arment des mitraillettes et des machettes, mais également ceux qui manient les chéquiers et transportent les mallettes de billets pour le compte de Joseph Kabila et de ses sbires. Les sanctions mises en place ont déjà permis la signature, en décembre 2016, d’un accord crucial entre le gouvernement et l’opposition. Une intensification des pressions est nécessaire pour atteindre l’objectif désormais plus large : la transition démocratique.
Les États-Unis ont ouvert la voie en sanctionnant Dan Gertler, magnat israélien du pétrole et de l’industrie minière, bénéficiaire majeur et cheville ouvrière du réseau Kabila, ainsi que l’un de ses associés et 19 de ses entreprises. Cibler Dan Gertler était une étape importante, mais il est désormais primordial et urgent de sanctionner le reste des charnières commerciales du réseau de Joseph Kabila, afin de l’empêcher de se présenter aux élections et de permettre une transition démocratique crédible. Les institutions financières qui opèrent dans la région ou traitent des opérations pour le compte d’autres banques opérant dans la région doivent quant à elles commencer à appliquer des normes rigoureuses de lutte contre le blanchiment d’argent. Tant que nous permettrons aux élites kleptocrates de tirer profit de la misère qu’ils ont eux-mêmes semée, des innocents continueront de souffrir.
Une poignée d’étrangers et de hauts responsables congolais s’enrichissent, tandis que la majorité du peuple congolais a faim. Il s’avère qu’aujourd’hui, les crimes de guerre paient. La dictature et le conflit facilitent les pillages. Si rien n’est fait pour mettre fin à ce cercle vicieux, la souffrance généralisée se poursuivra.
« Tout ce que j’espère, c’est pouvoir quitter le camp et rentrer chez moi en paix », me confie un réfugié. Tout simplement. Pour qu’un espoir de paix puisse voir le jour, ceux qui profitent de la misère humaine au Congo et par-delà ses frontières doivent en payer le prix, que celui-ci soit d’ordre financier, judiciaire ou politique. Cette kleptocratie violente et répressive doit être démontée pièce par pièce, avec méthode et détermination.
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