Enough Project’s Senior Advisor Dr. Suliman Baldo speaks to RTBF’s Wahoub Fayoumi on the ongoing protests in Sudan. Read the interview below or click here.
En plein marasme économique, le Soudan est secoué par des manifestations quasi quotidiennes depuis le 19 décembre. Déclenchées par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, elles se sont transformées en contestation du président soudanais Omar el-Béchir qui tient le pays d’une main de fer depuis un coup d’Etat en 1989.
La population soudanaise vit une crise économique sans précédent. L’inflation atteint des sommets, 70% en 2018. Avec elle, les prix des denrées de base sont devenus impossibles à supporter.
Le manque de produits alimentaires sur le marché est criant, à cause de l’accaparement des terres de culture du mil du sorgho etc… au profit des cultures d’exportation trustées par les caciques du régime.
Suliman Baldo est analyste politique pour l’ONG Enough project.
Qui sont les gens qui descendent dans les rues?
Suliman Baldo: “Ce sont des jeunes Soudanais, car il y a un sentiment de désespoir parmi ces jeunes, à cause de l’effondrement de l’économie nationale. Après 30 ans au pouvoir, le régime du président Omar el-Béchir a saigné l’économie, au profit de certains individus qui sont au centre du pouvoir, au profit des entreprises qu’ils contrôlent, mais aussi au profit du mouvement des Frères musulmans, qui est le vrai pouvoir derrière le régime. Il y a une corruption qui a fait que l’économie nationale ne fonctionne plus, il n’y a plus d’emplois pour les jeunes, et il y a un sens de frustration total de la population.”
“Le déclencheur immédiat était certainement économique, à cause de la difficulté de survivre dans une situation d’inflation sans contrôle, de l’effondrement de la valeur de la devise nationale, la livre soudanaise, l’absence de réserves de devises dans les coffres de la Banque centrale, et un déficit du commerce international qui est là depuis des années. Mais si le déclencheur est économique, la population en a en fait assez de la répression des libertés fondamentales, mais aussi des atrocités qui sont commises par le régime, dans les zones de conflits, comme le Darfour, ou la région du Nil Bleu. Il y a une accumulation de frustrations et de colère après 30 ans de répression et de corruption structurelle, presque officielle, protégée par le président el-Béchir.
Il y a aussi un degré de militarisation très élevé de la société soudanaise, et le régime compte pour sa survie sur la force brutale non seulement de l’armée soudanaise, mais aussi de l’armée parallèle, les milices des forces d’intervention rapide, et des milices partisanes contrôlées par le parti au pouvoir en dehors des structures de l’Etat. Elles peuvent réellement se retourner contre les populations et provoquer un bain de sang”.
Ce sont des associations de jeunes, de femmes et de travailleurs qui ont pris la décision de descendre dans les rues, à la mi-décembre dernier. Les syndicats et les partis d’opposition, comme le parti communiste soudanais, n’ont soutenu le mouvement que par après. Est-ce que cela menace le régime désormais?
Suliman Baldo: “De toutes façons, il est impossible de revenir à la situation précédente. Il n’y aura pas de retour en arrière. Beaucoup de partis satellitaires alliés du pouvoir ont déjà fait défection. Il y a clairement un effondrement dans le système politique d’el-Béchir parce qu’il y a désormais un manque dans les centre de décisions. Il se peut que cette situation se poursuive, et que le régime tombe à cause de l’écroulement de ces centres de décision à tous les niveaux.
Il faut dire qu’il y a beaucoup d’éléments au pouvoir qui ont commis des crimes de sang à un niveau très élevé. Ils craignent la vengeance des communautés qui ont été réprimées par ces crimes. Il y a aussi le fait que des éléments du régime ont amassé des fortunes comme résultat de cette corruption dont j’ai parlé.
Ils vont donc chercher à se protéger contre une vengeance, contre la confiscation de leurs biens. On pourrait assister au scénario d’une révolution de palais, dans lequel certaines fractions du régime se débarrassent de el-Béchir pour continuer à exercer le pouvoir seules, ou alors trouvent une accommodation politique avec certains partis d’opposition, pour assurer une transition vers un régime démocratique. Dans ce cas-là, ces éléments du pouvoir devront donner de réelles concessions, pour convaincre l’opposition”.